Pensées un mardi des martyrs

Mardi, 16 Janvier 2024

Aujourd’hui, on se rappel des héros nationaux, Joseph Kabila et Patrice Lumumba (17 Janvier). Kabila père est mort en 2001, il y a 23 ans. Lumumba en 1961. Il y a 63 ans.

Tous les deux ont été assassinés. Cela témoigne du passé violent de la RDC. Cette violence qui continue à l’est du pays mais aussi dans d’autres coins du pays.

On célèbre aussi la tenue d’une élection plus ou moins pacifique mais chaotique. C’est le même président qui reste au pouvoir, élu, soit-disant, par le peuple. On ne saura jamais qui a réellement gagné. Ce peuple ne semble pas avoir envie de manifester. Les opposants ne cherchent pas à se battre dans les rues non plus. Tant mieux. Trop de violence ces derniers temps.

On passe à autre chose. Encore 5 ans avec le parti de Tshisekedi. Le peuple devra accepter, ou pas, ce qui arrivera.

La ville de Kinshasa est calme aujourd’hui. Le temps est agréable. Il n’y a pas une chaleur étouffante. C’est un peu gris mais très frais.

On n’entend pas les voitures depuis le jardin. Le bruit d’un climatiseur accompagne ma matinée. On entend les voisins balayer leur parcelle. Ils parlent en Lingala, comme tout le monde à Kinshasa. Le français n’est pas la langue de choix de la plupart des kinois.

Après plus de 20 ans ici, je me débrouille dans cette langue, mais pas aussi bien que mon père ou mon grand père (paix à son âme). Les deux sont des indiens qui ont grandi et ont vécu longtemps en RDC. Mon grand-père parlait même Swahili, Tshiluba et Kikongo. Il a travaillé dans presque tous les coins de la RDC depuis les années 50 (Toute l’histoire ici). Mon père l’a appris pendant son enfance en jouant au foot dans les rues de Limete.

J’ai passé trop de temps avec les petits français de l’école française de Kinshasa et pas assez avec les congolais.

Même aujourd’hui, c’est le français et l’anglais qui domine ma bouche. De temps en temps, j’essaye de parler en Lingala mais ça reste basique.

Aujourd’hui et demain, la ville sera calme.

Le mois de Janvier est un mois perdu pour les sociétés ici. Il y a trop de congés. Beaucoup de personnes décident de partir jusqu’à la fin du mois.

C’est drôle d’être un étranger en RDC alors que j’ai passé autant d’années ici. Desfois, je pense que je suis un congolais. Des fois non. Mon passeport est canadien, mais je comprends mieux les congolais que les canadiens.

Quand je suis avec un congolais (généralisation!), ma communication est fluide. Avec un canadien, français, anglais, américain ou nicaraguayen, c’est toujours un peu plus difficile. Et pourtant on devient vite amis! Je pense que suis un enfant du monde, et j’ai besoin d’apprendre et découvrir d’autres cultures tout le temps. Se faire des amis de partout, c’est peut-être une façon de voyager sans se déplacer.

Après autant d’années au Congo, je me sens comme un sorte de guide pour les étrangers qui viennent. Je reçois souvent des amis à des amis. “Je te présente Emilio, il est là depuis longtemps”. Je deviens donc un ancre pour ces personnes, une sorte de pierre dans la mer turbulente congolaise, ou peut-être juste une personne à connaitre ou une petite personnalité du coin.

Bref, c’est une bonne chose d’être un peu connu et utile pour ces personnes qui arrivent au Congo sans trop savoir à quoi s’attendre. D’être une source d’information pratique (des fois). Evidemment, on ne peut pas tout savoir, mais peut-être qu’on peut les orienter dans les bonnes directions.

Le Congo peut sembler être un gouffre de temps, qui avale tes plus belles années. Ça va faire 10 ans en mai (le 24 peut-être) cette année que je suis rentré. J’avais 26 ans quand je suis venu travaillé pour une société de génie conseil. Je suis allé à Mbuji-Mayi, Gbadolite et Kikwit. J’ai vu des villes anéanties par la pauvreté, l’oubli et la corruption.

Je me rappelle de mon oncle Zahir, qui me demandait de promettre de ne jamais rentrer au Congo. Désolé tonton.

Aujourd’hui, je suis dans la société familiale. Des choses semblent meilleures (fin de l’instabilité au Kasaï avec les Kamuina Nsapu), d’autres plus pires.

Mais si je compare avec le passé (années 70 peut-être), la situation semble plus catastrophique qu’avant. Plus de déplacés, plus de morts, plus de guerre. On espère que la situation changera. Apres le départ des Nations-Unies après plus de 20 ans, qui sait ce qui se passera. Est-ce que ça sera réellement mieux?

Voyons-voir.

Khalid Emilio Noorani

Kinshasa

16 Janvier 2023

IN ENGLISH

Today, we remember national heroes, Joseph Kabila and Patrice Lumumba (January 17). Kabila senior died in 2001, 22 years ago. Lumumba in 1961. 63 years ago.

Both were murdered. This speaks to the DRC’s violent past. This violence which continues in the east of the country but also in other corners of the country.

We also celebrate the holding of a more or less peaceful but chaotic election. It is the same president who remains in power, elected, supposedly, by the people. We will never know who really won. These people do not seem to want to demonstrate. The opponents are not looking to fight in the streets either. So much the better. Too much violence lately.

Let’s move on to something else. Another 5 years with Tshisekedi’s party. The people will have to accept, or not, what happens.

The city of Kinshasa is calm today. The weather is nice. There is no stifling heat. It’s a little gray but very refreshing.

You can’t hear the cars from the garden. The sound of an air conditioner accompanies my morning. We hear the neighbors sweeping their floors. They speak in Lingala, like everyone in Kinshasa. French is not the language of choice for most people here.

After more than 20 years here, I get by in this language, but not as well as my father or my grandfather (peace be upon him). Both are Indians who grew up and lived for a long time in the DRC. My grandfather even spoke Swahili, Tshiluba and Kikongo. He has worked in almost every corner of the DRC since the 1950s (Full story here). My father learned it as a child playing football in the streets of Limete.

I spent too much time with the little French boys and girls at the French school in Kinshasa and not enough with the Congolese.

Even today, French and English dominate my mouth. From time to time, I try to speak in Lingala but it remains basic.

Today and tomorrow the city will be calm.

January is a lost month for companies here. There are too many holidays. Many people decide to leave until the end of the month.

It’s funny being a foreigner in the DRC while I’ve spent so many years here. Sometimes I think I’m Congolese. Sometimes no. My passport is Canadian, but I understand the Congolese better than the Canadians.

When I am with a Congolese (generalization!), my communication is fluid. With a Canadian, French, English, American or Nicaraguan, it’s always a little more difficult. And yet we quickly become friends! I think I’m a child of the world, and I need to learn and experience other cultures all the time. Making friends from everywhere is perhaps a way of traveling without having to move.

After so many years in Congo, I feel like a sort of guide for the foreigners who come. I often receive friends of friends. “This is Emilio, he’s been here for a long time.” So I become an anchor for these people, a kind of stone in the turbulent Congolese sea, or maybe just a person to know or a small local personality.

In short, it’s a good thing to be a little known and useful for these people who arrive in Congo without really knowing what to expect. To be a practical source of information (sometimes). Obviously, we can’t know everything, but maybe we can point them in the right directions.

The Congo sometimes seems like a black hole, swallowing up my best years. It will be 10 years this year in May (the 24th perhaps) that I returned. I was 26 when I came to work for an engineering company. I went to Mbuji-Mayi, Gbadolite and Kikwit. I have seen cities destroyed by poverty, neglect and corruption.

I remember my uncle Zahir, who asked me to promise never to return to Congo. Sorry uncle.

Today, I am in my family’s company. Some things seem better (end of instability in the Kasai with the Kamuina Nsapu), others worse. But if I compare with the past, the situation seems more catastrophic than before. No more displaced people, no more deaths, no more war. We hope that the situation will change. After the United Nations leaves after more than 20 years, who knows what will happen next. Will it really be better?

Let’s see.

Khalid Emilio Noorani

Kinshasa

January 16, 2023


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One response to “Pensées un mardi des martyrs”

  1. Mertens Jules Avatar
    Mertens Jules

    Dear Emilio,
    I really like to read your thoughts and the insight in your daily experiences,
    You are a real Cosmopolitan.
    Warm regards
    Jules Mertens

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